L’article d’aujourd’hui m’a été inspiré directement par un élève. Alors qu’il reprenait pour la troisième fois un passage difficile, je me suis aperçu que lors de ces trois tentatives, il avait commencé de trois façons différentes
Je lui ai alors demandé s’il avait une idée précise de ce qu’il voulait réaliser, et force a été de constater que non. Non seulement il était incapable de siffler ou chanter la première note, mais il n’avait aucune idée précise de ce qui arrivait après.
Voulant aller plus loin, j’ai été jusqu’à lui demander s’il avait une représentation mentale de comment une clarinette doit sonner. J’avais un peu peur de la réponse, et je ne m’étais pas trompé : encore une fois une réponse négative.
C’est alors que j’ai compris l’importance de tous ces articles que j’avais lu et ces chapitres dans les méthodes qui me paraissaient superflus.
Il n’est pas inutile de conseiller à chacun d’avoir une idée précise du son désiré avant même de le jouer.
L’importance du son
Notre son, c’est un peu notre signature auditive. Chaque instrumentiste devrait chercher à être différent et singulier en restant dans le cadre de l’esthétique qu’il interprète ( parfois, tenter des choses différentes peut aussi se défendre, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui)
En tant que musiciens, l’image est de plus en plus prépondérante dans la façon de se mettre en valeur, mais la base de notre métier reste le son et l’exemple exagéré de la comparaison entre une personne qui jouerait extrêmement vite avec un son inaudible, et une autre qui jouerait tranquillement avec un son magnifique permet de faire la part sur ce qui est le plus touchant entre la technique digitale et la technique sonore.
Il y a beaucoup de paramètres dans le son et je ne les explorerai pas tous aujourd’hui. Pour cet article je vais laisser volontairement de côté la justes, la direction, l’intensité, l’intention et la projection pour me concentrer sur la couleur et la forme
Avoir des modèles
La première chose à faire pour trouver une image mentale du son qui est censé être émis par son instrument, est d’écouter des musiciens qui jouent le même instrument. Notre chance est que nous avons à disposition des milliers d’exemples sonores sur internet.
Nous ne sommes pas obligés de tout aimer chez un seul artiste, mais par exemple la façon de jouer le legato d’une personne pourra nous toucher énormément alors que nous ne serons pas aussi convaincu par un autre aspect de son jeu.
Il ne s’agira alors pas de chercher à tout prix à avoir le même son que nos modèles, mais de nous en inspirer pour créer notre propre représentation mentale du son que nous désirons émettre.
Une affaire d’imagination
J’ai déjà abordé le travail de la visualisation dans un article précédent, elle sera utile aussi dans le sujet d’aujourd’hui. Avant de jouer nous devons entendre au moins la première note dans notre tête, et avoir le ressenti physique nécessaire à la jouer (doigté, souffle ou autre selon les instruments), afin que la note existe déjà quelque part en nous avant d’être émise.
Dans l’idéal, nous devons être capables de commencer une phrase musicale en étant directement dans le contexte que nous avons définis. Le sujet de raconter une histoire musicalement sera abordé dans un autre article.
Ce n’est pas notre instrument qui doit définir notre façon de jouer : Il est plus facile de jouer fort dans les aigus pour la clarinette en tout cas, ce n’est pas pour ça que nous devons toujours jouer fort les passages dans cette tessiture.
Notre instrument n’est que le convoyeur des images mentales que nous avons.
Trouver sa propre voix
Il y a un exercice que j’aime utiliser pour trouver ma voix. Je l’ai appelé, le plus beau son. Concrètement je me donne trois essais pour faire sortir de mon instrument exactement le son que j’ai dans la tête.
Cela peut se faire sur une phrase ou juste une seule note pour commencer. En première étape il faut se représenter mentalement le son que nous désirons obtenir et ensuite jouer et comparer ce que nous entendons avec ce que nous désirions émettre. Si ce n’est pas réussi, il faut changer un paramètre et refaire. J’aime donner trois essais pour limiter le temps passé et être le plus présent sur le moment
Il faut se méfier d’une chose dans cet exercice, c’est la déformation naturelle que nous avons lorsque nous émettons un son. De même qu’entendre notre voix enregistrée nous semblera étrange, le son de notre instrument est aussi différent entendu de l’extérieur.
Pour contrer ce phénomène, il y a deux techniques possibles. D’abord l’enregistrement ; il est fiable si nous avons un matériel de qualité, mais présente le désavantage de ne pas permettre de régler en direct le son. L’autre moyen que j’aime utiliser, est de me mettre dans un coin de pièce pour que le son extérieur puisse passer au delà des résonnances à l’intérieur de notre corps. L’autre avantage est que cette technique peut-être utilisée dans tous les types acoustiques de pièces et rester un repère fiable car la forme de la pièce aura moins d’impact sur le son que nous entendrons.
En tant qu’individus, notre but doit être de proposer une approche différente du son, qui représente qui nous sommes vraiment.
La satisfaction totale est théoriquement extrêmement difficile à atteindre, quand il s’agit de jouer avec d’autres personnes, l’équation se complexifie encore. Selon le lieu et notre état physique, nous pouvons aussi avoir des surprises. Cependant cette quête doit rester au centre de nos préoccupations musicales.
Bonne pratique et n’oubliez pas de vous amuser !
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