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De la nuance dans les nuances


Parmi les nombreuses informations indiquées sur une partition, il en est de bien mystérieuses : les nuances. Sujettes à interprétation infiniment plus que le rythme parfois teinté de liberté, et les notes qui sont clairement indiquées, elles deviennent trop souvent une sorte d’obligation remplie plus ou moins.


D’une ignorance totale des nuances à une gradation méthodique, la palette des approches est aussi large que les interprètes. une chose est certaine, il faut les faire entendre, mais comment ? De quelle référence partir ? Si le forte correspond à un volume mesurable en décibels, à combien se mesure le mezzo piano ?


Dans cet article il sera question de timbre, d’intensité, d’intention, de nuances cachées, de nature de l’instrument et des enregistrements. En commençant par une assertion forte des questions seront levées, des pistes de réflexion et d’exploration proposées.


Ce qui fait les nuances


Nous commencerons par mettre une chose au clair, aussi paradoxal que cela puisse paraitre :


La nuance n’est pas que le volume

Les habitués de ces articles savent que les réponses simples, directes et sans coloration sont à bannir. Malheureusement ou plutôt heureusement, il n’y a pas de réponse fixe. Autrement, comme je dis souvent en cours, il suffirait de programmer un ordinateur pour jouer à notre place et nous pouvons tout de suite ranger nos instruments et changer de vie.


Si le même morceau était joué de la même façon par tout le monde, la Musique serait bien ennuyeuse

Les nuances sont propres à chaque individu. La personnalité intervient ; même si nous sommes des interprètes, il me semble qu’il n’est possible d’exprimer que quelque chose que nous avons en nous. Que ce soit en nous mettant en situation pour imaginer ressentir une chose que nous avons connue ou en nous remémorant une expérience passée, notre vision subjective a toujours sa place.


Pour rejoindre le point précédent, le concept du son et du timbre fait par l’artiste influera aussi sa façon d’interpréter les nuances. Un son que l’on pourrait classer du côté sombre, aura besoin d’un minimum de volume, alors qu’un son plus clair devra se méfier de ne pas devenir perçant. Enfin, le contexte historique, harmonique, musical dirige également la palette des nuances.


Faire varier les nuances va plus loin que seulement jouer plus ou moins for. Le timbre et l’intensité, le spectre harmonique, qui transmettent l’intention, communiquent une sensation, des images, des émotions


L’assertion de départ ne mettait en doute la base apprise dès le plus jeune âge : forte c’est fort, mais elle était nécessaire pour consolider cette construction souvent faite sans solidité.


Ceux qui font les nuances


Comme évoqué dans la première partie, tous paramètres pris en compte, ce sont les interprètes qui font et font entendre ou sentir les nuances. Un mot était très important dans la dernière phrase mise en avant : l’intention


L’intention donne la direction à la musique. Derrière elle il y a l’expérience de l’artiste, sa façon de voir le monde, de comprendre la musique qui est jouée. S’il n’y a pas d’intention, il n’y a pas de direction.


Une image parlante est celle d’un robinet auquel on relie un tuyau équipé d’une buse : l’eau qui coulait du robinet aurait fait une flaque dont l’eau aurait coulé de façon hasardeuse. Grâce au tuyau et à la buse, nous pouvons diriger l’eau et l’envoyer dans une direction précise, en potentialisant sa puissance.


Pour continuer cette métaphore aqueuse, il est clair qu’il y a aussi besoin du robinet, en incluant tout le système de plomberie derrière, et du débit d’eau, autrement le tuyau seul ne servirait à rien !

Note : Pour les personnes qui connaissent, il y a ici trois éléments fondamentaux du Qi gong Jing, Qi et Shen = robinet, eau, tuyau


Petite expérience à faire : une musique forte à un volume faible est différente d’une musique piano à volume fort. Faites l’essai avec votre moyen d’écoute de musique habituel, l’énergie dégagée par un fortissimo, même à un volume faible, n’est pas la même qu’une musique de base pianissimo.


La force de l’interprète sera d’analyser la musique au-delà de ce qui est écrit, comme vu dans les articles sur la partition et sur la musique , le message à transmettre n’est pas seulement les notes. Il y a d’autres choses que le compositeur ou la compositrice a voulu faire passer.


Ainsi, il s’agit en compte non seulement les nuances écrites mais également les nuances implicites : harmoniquement ou en fonction des articulations par exemple. c’est toute une façon de s’exprimer, comme dans l’apprentissage d’une langue.

Il n’y a pas que les mots, mais surtout le sens, duquel dépend la façon dont ils s’enchainent, les accents et la prosodie.


Un autre point à prendre en compte si nous voulons pousser très loin la réflexion : la nature des instruments. Dans le cas des vents, nous sommes parfois confrontés à des choix difficiles. Un exemple : est ce que le crescendo indiqué montre que le compositeur (ou l’éditeur) était conscient de la faiblesse de certaines notes et a voulu indiquer qu’elles ne devaient pas disparaitre ou bien faut-il réellement augmenter le volume ? L’inverse est possible aussi.

Enfin, outil à double tranchant, les enregistrements, dont la compression nous prive bien souvent des nuances réellement exécutées par les plus brillants interprètes. Juste un petit rappel pour inciter à aller écouter de la musique en vrai !


Ce que font les nuances en conclusion


Les nuances apportent donc les teintes dans un morceau. Le contraste, la pigmentation pour parler visuellement, la richesses des saveurs pour les gourmands, la texture pour les tactiles. Elles soulignent les différentes facettes harmoniques, les renforcent, nous surprennent, nous amusent. Bref elles font vivre la musique dans une autre dimension.


Pourquoi donc se contenter d’un barème fort ou pas fort dans ce cas ?

Cet article avait commencé par la remise en question de la nature des nuances, puis une exploration de ce qu’elles sont, et de comment elles sont des alliées des interprètes dans leur quête de transmission.


La variété des nuances et la subtilité dans les choix et partis-pris des interprètes font ressortir leur singularité et rendent justice à l’intention des compositeurs. La capacité de s’adapter au contexte, d’être en cohérence avec les partenaires de jeu, les qualités de l’instrument, l’acoustique de la salle, font partie de l’intelligence de l’interprète.


C’est pourquoi les nuances ont une place majeure dans toute réflexion musicale autour de l’interprétation et ce, dès le plus jeune âge.


Enfin, après de telles considérations, je vous le rappelle encore une fois : n’oubliez pas de vous amuser



Tout un cheminement intérieur amène à l'expression en direction de l'extérieur

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