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La partition


Les musiciens classiques sont souvent confrontés à une partition. Cauchemar pour certains, bouée de sauvetage pour d’autres. De la difficulté à déchiffrer à l’angoisse quand la page se noircit, en passant par la montagne d’informations simultanées à traiter, nous avons tous un rapport particulier à la partition.


L’objet de cet article n’est pas de donner une méthode révolutionnaire pour déchiffrer ou une technique infaillible pour jouer par cœur. Le sujet est bien plus précis, il concerne le rapport physique à la partition.


En tant que professeur je suis toujours surpris de la différence de son et d’attitude de mes élèves une fois qu’une partition est dressée devant eux. Dans les cas les plus extrêmes, certains perdent plus de la moitié de leurs capacités une fois le pupitre chargé.


Je partagerai aujourd’hui les principales observations et réflexions que cet état de faits m’a inspiré. Elles ne sont pas des réponses aux soucis relevés, davantage une piste de réflexion que je vous encourage à suivre. Comme toujours, si vous avez des éléments de réponse, je suis preneur.


Enfin, j’ajoute pour achever ce préambule qu’il est entendu que votre vision est correcte, si ce n’est pas le cas ou si vous avez un doute le cas, allez voir un spécialiste pour apporter une correction.


La posture


Le premier élément et le plus facile à repérer, est un changement de la posture générale. Dans la plupart des cas, lorsqu’une posture correcte a été trouvée, l’ajout de la partition va créer un déséquilibre.


Ce que j’appelle zone d’équilibre est parfois nommé quadrilatère de sustentation en termes technique. Pour simplifier il s’agit de la zone dans laquelle nous pouvons déplacer notre axe vertical sans avoir besoin de changer la position de nos pieds au sol et sans tomber bien sûr.


De manière pratique l’axe reliant chevilles / bassin / haut du crâne, peut atteindre un certain angle sans que notre musculature ne soit trop impliquée dans le maintien de l’équilibre. Il est intéressant de se représenter ces trois points comme des cubes à empiler. Dans l’idéal virtuel, la verticalité est la neutralité absolue. En gardant l’axe intact, il est possible de se déplacer tout de même.


Cependant lorsqu’un des points supérieurs (bassin, haut du crâne) sort de l’axe, l’autre compense : tête vers l’avant, bassin vers l’arrière et vice versa.


Dans le cas de la partition, bien souvent c’est la tête qui va compromettre notre équilibre

Comme la lecture passe par les yeux, la tendance va être soit d’avancer la tête comme pour se rapprocher et mieux voir, ou reculer lorsque la personne a peur de la partition. Au niveau de la sensation de conscience, c’est comme si elle n’était plus au centre de notre crâne.


La présence


Je dois encore faire une digression pour expliquer ce concept. Cela rejoint l’article sur le scan corporel évoqué dans l’article présence et disponibilité. Lors du scan corporel, je nomme la présence que nous amenons dans chaque partie du corps, conscience. Dans un premier temps, nous pouvons visualiser ce déplacement interne comme une petite lumière ou une sensation, mais à force de pratique, il y a une vraie possibilité d’identification. Cela pourra faire l’objet d’un autre article.


Pour faire court, la présence sort du cadre du corps lorsque la partition est présentée, au lieu de rester dans le quartier général, le centre de contrôle qu’est le centre du crâne

A présent en pilote automatique, et dans une posture non optimale, notre corps va se retrouver coupé de nos intentions, et la Musique n’aura plus de sens. Pulsation erratique, justesse discutable, son sans projection, technique et rythmes imprécis, la liste est encore longue. Voyons par la suite quelques éléments concrets pour conceptualiser cette idée.


La pratique musicale est un tout qui ne saurait souffrir la moindre négligence

La fixation du regard et de l’attention sur la partition peut nous amener à oublier notre premier instrument, le corps. Il est deux faits à mettre en lumière :


· D’un point de vue physique, la distance qui nous sépare de la partition, du moment que nous parvenons à en voir les détails, est négligeable du point de vue de la vitesse de la lumière. Nous rapprocher ne permet pas de voir la partition plus vite


· L’anticipation dans la lecture se fait en étant capable de voir ce qui suit, donc un champ de vision large est garant de notre capacité à déchiffrer et nous préparer


L’attitude qui parait la plus juste, est d’accueillir la partition dans notre schéma général, et de laisser venir à nos yeux les symboles que sont les notes et les rythmes.


L’assimilation


En laissant venir à nous les symboles qui constituent la partition, nous pouvons alors intérioriser le discours musical, nous l’approprier. Nos yeux se chargent de transmettre le code, ce sont d’autres parties de nos cerveaux qui vont le déchiffrer, le comprendre, le synthétiser et transmettre les informations aux membres concernés afin de jouer ou chanter ce qui est écrit.


C’est pourquoi la lecture simple de la partition ainsi que la capacité de chanter intérieurement ce qui est écrit, est fondamental dans le travail des musiciens, quel que soit leur niveau.


D’un code écrit, la partition doit devenir un vrai texte avec du sens afin qu’elle ne nous gêne plus dans notre posture ni dans nos intentions musicales

Il est important d’ajouter que rester fixé sur l’objet, nous coupe du processus d’assimilation puis de mémorisation qui est encore un autre travail. La réelle prise de conscience des enchaînements de hauteurs, de vitesse, de nuance, d’articulation et de doigtés permet d’intérioriser le discours transcrit sur le papier.



Pour conclure, après avoir rappelé l’importance du solfège fondamental pour les musiciens classiques au moins, le fait que le travail postural restant également central pour exprimer pleinement son potentiel, et que vérifier sa vue peut être une bonne idée parfois, je vous propose une dernière piste de réflexion.


Comme évoqué dans l’article du même nom, la Musique, c’est plus que des notes et des rythmes, lors de l’interprétation et dès le déchiffrage, il faut absolument rester à l’écoute des sensations, pensées et autres sentiments que provoque en nous ce que nous jouons.


Tout ce qui n’est pas écrit et qui est en quelque sorte le dialogue que nous pouvons avoir avec le compositeur, notre apport personnel en tant qu’interprète

Bonne pratique et n’oubliez pas de vous amuser !


Cela permet de vraiment vivre la musique, quel que soit le niveau instrumental, ce qui procure un plaisir indescriptible, et c’est bien cela qui est attendu des musiciens.


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