Nous entendons souvent le conseil de nous relâcher pour jouer, de voir les tensions musculaires comme des obstacles. D’autres personnes arguent que pour jouer il y a nécessairement une tension. Entre deux extrêmes aussi opposés, il semble difficile de trouver un point commun.
Comme souvent dans ces cas, c’est une question de ressenti personnel. Certaines personnes jouent merveilleusement bien en vantant une relaxation totale. D’autres ne sont pas en reste alors qu’elles préconisent une tension générale du corps.
Les extrêmes sont toujours attirants par la simplicité de l’approche mais sont rarement une solution. C’est pourquoi j’ai développé dans ma pratique personnelle le concept d’effort minimal.
Effort minimal
La relaxation est une solution proposée pour gérer le trac ou pour faciliter le jeu. En effet, comme le corps agit dans son ensemble, une tension à un endroit peut gêner le mouvement, créer d’autres tensions et des douleurs. C’est sur ce postulat de base que repose l’école de la relaxation.
Une question se pose : quand sommes-nous tout à fait relâchés ? C’est une chose expliquée dans la relaxation, c’est lorsque nous sommes allongés. Le problème est que nous ne vivons pas allongés. Tous nos muscles relâchés, nous resterions collés au sol et immobiles, il est compliqué de jouer d’un instrument de cette façon.
Le simple fait d’être debout nécessite une action musculaire. Bouger un doigt, respirer sont aussi les résultats de contractions musculaires, volontaires ou involontaires.
Il y a donc une activité musculaire inhérente à tout mouvement
A l’inverse, il est aussi possible de contracter nos muscles de façon excessive. Essayez d’attraper un stylo avec le biceps complètement tendu, le geste sera peu naturel. Il s’agit de comprendre et sentir comment fonctionne notre corps.
Savoir se relâcher
Dans la partie précédente j’ai exagéré deux visions opposées afin de mettre en lumière l’interprétation qui peut en être faite. J’espère ici nous réconcilier, car il me semble que tous disent finalement la même chose d’un point de vue différent.
Ce qui est décrit dans la relaxation est plutôt l’usage correct de nos muscles. Il faut savoir que nos plus de 600 muscles ont chacun leur fonction. Variant en taille, forme et position dans le corps, ils sont extrêmement spécialisés.
Pour simplifier, je vais les séparer en deux groupes : les muscles de posture et les muscles de mouvement. Les muscles de posture ont la particularité d’être très endurants et donc de maintenir une contraction modérée pendant longtemps. Les muscles de mouvement sont plus fort, rapides, mais sont plus vite fatigués.
Ainsi, l’approche privilégiant la contraction, concerne les muscles de posture
Mon approche personnelle consiste à chercher ce qui est nécessaire pour un mouvement, puis laisser aller ce qui n’est pas indispensable. J’ai nommé cela le minimum.
Trouver le minimum
L’idéal est d’expérimenter les deux extrêmes pour réussir à taper juste. Cette expérimentation peut se faire sous différentes formes mais la suivante est celle que je préfère. Debout ou assis, tendez votre bras sur le côté à hauteur d‘épaule. Contractez vos muscles et sentez votre bras trembler et se fatiguer mais rester en position : l’objectif bras tendu est atteint mais pas de façon optimale.
A présent relâchez le bras complètement, il devrait retomber lourdement : il y a eu relâchement, mais l’objectif bras tendu sur le côté n’est pas atteint !
Maintenant repositionnez votre bras comme au début et sentez les muscles nécessaires. Votre main peut être tombante, votre coude légèrement plié. Imaginez que vous êtes sur le point de laissez tomber le bras à nouveau mais arrêtez vous au dernier moment.
Arrivés là, nous pouvons avoir différentes sensations : le bras semble être léger, ou bien porté par une force invisible, voire même ne plus envoyer de signaux. Ce qui est important c’est la présence que vous mett ez dans cette action pourtant statique. Gardez votre présence et imaginez ramener votre bras vers le devant très lentement. Entamez le mouvement.
Ce que j’aime faire, c’est retrouver une sensation assez précise pour moi, je vais essayer de vous la décrire. Lorsque je suis dans une piscine dont l’eau est un peu fraîche, en ne bougeant pas, je peux avoir la sensation que l’eau en contact avec ma peau est plus chaude. Il suffit de bouger un peu trop et la sensation se dissipe. En bougeant doucement et sans brusquerie, je peux garder cette impression d’être entouré d’eau un peu plus chaude.
Si cela fait sens pour vous, je vous invite à essayer. Dans un premier temps les mouvement sont amples et très lents, mais avec la pratique, la même sensation peut être développée pour bouger un doigt très vite mais en effort minimal.
Jouer avec présence et investissement
La mise en pratique de façon satisfaisante en jouant devra attendre un peu de développement. Cette technique ne porte pas sur le court terme. Cependant plus vous essaierez de ressentir cela dans le maximum de mouvements de la vie, plus vite vous serez capable de l’appliquer à l’instrument.
Il faut commencer avec de grands segments (membres entiers, voire corps) pour ensuite aller vers des zones plus réduites. Bien sûr une seule porte de présence à la fois puis plusieurs avant de réussir à faire des lots, pour réaliser des actions complexes.
La présence entière est fondamentale, cela demande un investissement total. Cela sera vite fatigant au début mais avec l’expérience et la patience, cette technique deviendra une seconde nature.
Bonne pratique et n’oubliez pas de vous amuser !
Comments