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Raconter une histoire en jouant

Writer: Arthur Sandoval ClarinetteArthur Sandoval Clarinette

La musique exprime-t-elle autre chose qu’elle même ? C’est une question qui n’a pas de réponse ferme et qui suscite encore des controverses. Dans cet article il ne s’agira pas de mettre fin à ce débat, mais de chercher un juste milieu et de comprendre chacune des parties.


Le fait de raconter une histoire cohérente peut trouver un écho favorable chez certaines personnes qui ont besoin d’un soutien narratif, ou bien franchement gêner d’autres personnes qui ont besoin d’une approche plus instrumentale, émotionnelle et sonore. Tout ça sans prendre en compte le style de musique qui se prête ou non à la narration.


S'il est envisageable -même si discutable- de privilégier le mécanisme en travail personnel, tous les artistes s’accordent sur le désir de susciter une émotion chez les spectateurs. Une interprétation sans émotion suscitée serait un comble pour une personne dont la vocation et même le métier, est de sortir l’audience de son quotidien.



Notre instrument est notre confident, et notre moyen d'expression


Les notes, comme les mots d’un livre


Certains termes utilisés pour décrire une partition sont assez parlants : la forme, les parties, les phrases, les questions - réponses, les conclusions et autres, font un parallèle flagrant avec la littérature. Si la phrase musicale est comme la phrase littéraire, alors les notes sont les mots, ou les syllabes.


En musique traditionnelle chinoise, que je connais un peu, les titres des morceaux sont en soi une indication de l’interprétation. Dans certains, il est demandé d’évoquer le galop d’un cheval, ou bien les remous d’un torrent.


C’est bien ce terme, évoquer qui nous intéresse

Sans partir aussi loin, il suffit de penser au chant et à l’opéra, où le texte s’inscrit structurellement dans la musique. La question qui se pose est : la musique est-elle l’histoire ou accompagne-t-elle ce qu’elle raconte ? Ma réponse est : les deux !


Une histoire gaie sur une musique triste aurait moins de sens, un air simple lors d’une scène où un personnage rencontre les inévitables tiraillements des héros, serait hors contexte. En cela la musique accompagne l’histoire mais l’incarne également dans une relation d’interdépendance.


Cependant où trouver la capacité cérébrale de visualiser une histoire se dérouler comme un film tout en assurant la qualité instrumentale attendue ? C’est dans la façon de concevoir la chose que nous pouvons trouver une réponse.


Une histoire cohérente et construite


Certains morceaux nous inspireront une histoire, nous pourrons alors imaginer de vastes étendues herbeuses traversées par un vent au parfum fleuri, l’horizon marqué par une chaîne de montagne gris bleue à laquelle nous sommes reliés par une rivière coulant à nos pieds.


J’ai grossi le trait volontairement, mais certains compositeurs ont tendance à écrire de véritables romans sonores. Tout s’y retrouve : des personnages, des dialogues, des péripéties qui amènent à des évolutions de caractère.


Dans ces cas, l’interprétation pourra être guidée par une sorte d’énergie intérieure. Tel un conteur, le musicien se retrouvera à la fois personnage de l’histoire, narrateur. L’interprète fera lui-même ou elle-même partie du morceau par la touche personnelle qu’il ou elle y ajoutera.


Il est possible que cet aspect de la musique instrumentale n’était pas volontaire de la part du compositeur. C’est alors un choix personnel de l’interprète de jouer l’œuvre telle qu’on suppose que le compositeur aurait voulu l’entendre, ou bien de l’inscrire dans le contexte contemporain de son interprétation.


Des musiques plus abstraites


L’exemple descriptif excessif de la partie précédente ne se retrouve pas dans toutes les pièces. Certaines sont plus symboliques, un peu comme de la poésie ou un rêve. Dans ces cas, il est important de rechercher des sensation plus subtiles et personnelles.


Il est des sensations qui sont indescriptibles et qui nous sont propres. Que vous évoque une odeur de tarte aux pommes ? Derrière l’apparente simplicité d’un tel exemple, se cache une montagne de complexité. Celle-ci se bâtit sur notre expérience personnelle et tous les souvenirs que nous avons, eux mêmes altérés par le temps et les émotions que nous avions au moment où nous les avons vécus.


De ce mélange infiniment personnel, se dégage une sensation, une impression que j’aime considérer comme étant unique. C’est cette chose là que nous voulons partager.

Si la partition dit tarte aux pommes, il s’agit de transmettre ce que cela nous évoque personnellement au public. Lui, recevra cette sensation, et l’interprètera à son tour.

Il en est de même pour les musiques-romans dont j’ai parlé dans la partie précédente. Notre mission est de transmettre ce que nous avons en nous. Ainsi une sensation de dispute ne sera pas la même pour deux personnes.


Nous retrouvons ici le principe de l’évocation cité dans la première partie

C’est le moment de penser à nouveau au principe du scan émotionnel dont j’avais parlé dans l’article sur l’égo. Il s’agit d’être à l’écoute de toutes ces sensations qui nous traversent en permanence. L’idée est d’être capable d’en sentir l’essence et de les faire ressurgir à volonté.


Lorsque nous parlons, nous n’avons en général pas besoin d’une compétence particulière pour exprimer nos émotions. Lorsque nous jouons, nous devons adapter nos émotions à la musique et à ce qu’elle nous inspire. Instinctivement nous saurons transmettre ces sensations au public à travers de très subtiles variations.


Il n’est pas évident de se laisser aller complètement. Nous gardons toujours une volonté de vouloir contrôler les notes, et notre peur de nous tromper. Si raconter une histoire trop complexe peut comporter le risque de se perdre et de passer à côté, je perçois plutôt ce concept comme des rêves. Des bribes d’expression libre de ce qui est tout au fond de nous. Encore faut-il être prêt ou prête à les évoquer au moins, voire à les partager.


Bonne pratique et n’oubliez pas de vous amuser !

 
 
 

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